Birmanie: Washington qualifie de « génocide » les violences contre les Rohingyas

Written by on 20 avril 2024

Les Etats-Unis ont pour la première fois lundi déclaré officiellement que des Rohingyas avaient été victime d’un « génocide » perpétré par l’armée birmane, disant détenir des preuves d’une volonté de « détruire » cette minorité musulmane en 2016 et 2017.

« J’ai établi que des membres de l’armée birmane ont commis un génocide et des crimes contre l’humanité contre les Rohingyas en 2016 et 2017 », a déclaré à Washington le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken.

Il a précisé qu’il s’agit de la huitième fois depuis l’Holocauste que les Etats-Unis reconnaissent officiellement l’existence d’un génocide. Une procédure est en cours devant la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction des Nations unies, pour déterminer si le pouvoir birman s’est rendu coupable d’un tel crime.

Une série de preuves issues « de sources indépendantes et impartiales », notamment d’ONG, « en plus de notre propre recherche » montrent « une intention de détruire les Rohingyas, en totalité ou en partie », a estimé M. Blinken.

« Les intentions de l’armée allaient au-delà du nettoyage ethnique, jusqu’à une véritable destruction » de cette minorité, selon lui.

Il a notamment cité un rapport de la diplomatie américaine datant de 2018, focalisé sur deux périodes, débutant en octobre 2016 et en août 2017. En septembre 2017, par exemple, les soldats birmans « rasaient des villages, tuaient, torturaient, violaient hommes, femmes et enfants », a-t-il énuméré.

Il a estimé que les attaques de 2016 « ont forcé environ 100.000 » membres de cette minorité musulmane à fuir la Birmanie pour le Bangladesh, et que les attaques de 2017 « ont tué plus de 9.000 Rohingyas et forcé plus de 740.000 d’entre eux à trouver refuge » dans ce pays voisin.

« Les attaques contre les Rohingyas étaient généralisées et systématiques, ce qui est essentiel pour qualifier des crimes contre l’humanité, » a expliqué M. Blinken.

– « Une lumière » –

L’initiative américaine, attendue depuis dimanche, a été accueillie avec prudence par des militants rohingyas.

« Cela aurait dû être fait depuis longtemps, toutefois je pense que la décision américaine va aider le processus devant la CIJ pour les Rohingyas », a estimé un réfugié dans l’un des camps où vivent les personnes déplacées par la crise, près de Sittwe, capitale de l’Etat Rakhine.

Thin Thin Hlaing, une militante pour les droits des Rohingyas, a également salué la décision américaine. « J’ai le sentiment de vivre dans un blackout, mais à présent nous voyons une lumière parce qu’ils reconnaissent notre souffrance », a-t-elle déclaré à l’AFP.

Environ 850.000 Rohingyas se trouvent dans des camps au Bangladesh et 600.000 autres sont demeurés dans l’Etat Rakhine en Birmanie.

« C’est bien de voir l’administration effectuer ce pas tant attendu pour demander des comptes à ce régime brutal », a tweeté de son côté dimanche soir le sénateur américain de l’Oregon Jeff Merkley.

– Pas de nouvelles sanctions –

Le chef de la diplomatie américaine n’a pas accompagné cette reconnaissance de nouvelles sanctions contre la Birmanie.

Les Etats-Unis ont déjà imposé une série de sanctions aux dirigeants birmans et, à l’instar d’autres pays occidentaux, restreignent depuis longtemps leurs exportations d’armes pour les militaires birmans, lesquels ont été accusés avant même le coup d’Etat militaire du 1er février 2021 de crimes contre l’humanité pour leurs exactions envers les Rohingyas.

Le dossier ouvert contre la Birmanie devant la CIJ à la suite d’une requête de la Gambie en 2019 a été compliqué par le putsch qui a renversé la dirigeante civile Aung San Suu Kyi et son gouvernement, déclenchant des manifestations de masse et une répression sanglante.

Le 15 mars, un rapport du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme portant sur la période ayant suivi le putsch a accusé l’armée birmane de possibles crimes contre l’humanité et crimes de guerre depuis le coup d’Etat et appelé la communauté internationale à prendre immédiatement des mesures.

© Agence France-Presse


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